«Ma famille est déjà dans les blocs de départ»

Mujinga Kambundji, une des femmes les plus rapides du monde, attend son premier enfant et planifie déjà son retour. En entretien avec nous, la coureuse bernoise, très heureuse, parle de l’état des préparatifs pour le bébé, d’un été spécial et de ses ambitions sportives.

Photo: Mauro Mellone

 

Toutes nos félicitations, Mujinga! Comment vas-tu?

Bien, merci. Je suis maintenant au septième mois et, jusqu’ici, tout se passe sans complication, heureusement. Et aussi sans envies de femme enceinte. Même si parfois, par exemple le matin, j’ai un peu plus faim. Mais sinon, tout se passe plutôt normalement.

Comment as-tu su que tu étais enceinte?

C’était en Chine, juste avant une compétition. J’avais déjà comme un pressentiment, mais je n’avais pas de test sous la main. Quand j’ai trouvé une pharmacie, j’ai dû traduire le mode d’emploi avec Google. Puis j’ai eu la confirmation. J’étais tellement heureuse! Mais j’ai quand même pu rester concentrée pour la compétition.

Tu as toujours su que tu voulais des enfants?

Oui. J’ai grandi dans une grande famille, c’est aussi pour cela que je l’ai toujours su. Mais pour le sport, tu as besoin de ton corps et tu y réfléchis donc à deux fois, avant d’avoir un enfant. Mais si je n’étais pas une athlète de pointe, j’aurais des enfants depuis longtemps.

C’est donc le bon moment?

Oui, s’il y a vraiment un «bon» moment. On ne peut pas tout planifier. Mais je savais depuis longtemps que je voulais poursuivre ma carrière au moins jusqu’en 2028, et qu’entre 2024 et 2026 serait une bonne période. Nous avons décidé que le moment était venu.

Pendant la grossesse, on perd une partie du contrôle sur son propre corps. Est-ce que cela est particulièrement difficile pour une athlète de pointe?

Je savais bien ce qui m’attendait. Bien sûr que mon corps change et que certaines choses, comme les compétitions, ne sont plus possibles au même niveau, pendant la grossesse. Mais une grossesse ne marque pas la fin d’une carrière sportive, mais juste une pause d’environ une année. Beaucoup de coureuses ont gagné des médailles de championnats mondiaux et olympiques, après la naissance; des femmes de 35 ans courent à des vitesses de pointe. Cela donne du courage.

La compétition te manque?

Un peu, mais en même temps, je suis contente que mon quotidien soit différent actuellement. Je continue à m’entraîner, mais sans la pression des compétitions. D’habitude, tout tourne toujours autour de ces dernières, des entraînements et du repos, nécessaire avant ou après. Cette partie fatigante n’est pas présente maintenant.

Qu’est-ce que cela signifie?

Quand il y a une fête d’anniversaire, je peux maintenant manger du gâteau (elle rit). J’ai beaucoup plus de temps et d’énergie pour les choses qui ne sont habituellement pas possibles: me rendre à d’autres évènements sportifs, par exemple. En juillet, je suis allée assister à un tournoi de beach volley, à Gstaad, et j’ai soutenu notre équipe nationale de football, au stade. J’apprécie aussi de pouvoir simplement prendre des vacances en Sardaigne et de ne pas avoir d’entraînement pendant une semaine entière.

Mais tu continues à t’entraîner régulièrement?

Oui, quatre fois par semaine au lieu de cinq et évidemment de manière moins intensive. Il s’agit maintenant plutôt de préserver la base, afin que je puisse revenir rapidement, l’année prochaine. J’aime bouger et cela fait aussi du bien au bébé, puisque tout se passe si bien jusqu’à maintenant.

Et quand l’enfant sera là, tu sais déjà comment tu vas gérer?

Je sais que ce sera un défi. Comme pour toutes les autres personnes aussi. Mais j’ai un entourage super. Ma famille habite tout près et celle de mon partenaire va aussi beaucoup nous aider. J’en aurai besoin, pour le repos, l’organisation, la garde de l’enfant. En tout cas, tout le monde est averti. Ils sont tous et toutes déjà pratiquement dans les blocs de départ (elle rit).

Est-ce que le fait que ton partenaire est entraîneur, et donc déjà très présent dans ton quotidien, est un avantage?

C’est sûr. Il connaît mes entraînements et me connaît moi. Il sait comment je vais. Il voit aussi quand quelque chose n’est pas possible. Nous nous comprenons bien et il peut aussi prendre des choses en charge pour moi. En tant que sportive individuelle, j’ai un avantage: après une nuit trop courte, je peux reporter un entraînement à l’après-midi.

Quel sentiment as-tu eu quand tu as vu l’échographie pour la première fois?

Tellement beau! C’est le moment où tu le réalises réellement: il y a là une petite personne. Même si tu le sais déjà avant et que tu le sens aussi physiquement, tu n’as pas encore d’image. Plus tard, quand on sent les mouvements, ça devient encore plus concret.

Et la chambre d’enfant, le nom et la fameuse valise de maternité: tu en es où?

Non, le sac n’est pas encore prêt. Nous savons déjà le sexe du bébé, mais nous le gardons encore pour nous. Et concernant le nom, c’est en cours … (elle sourit)

Et l’inscription à la caisse-maladie?

Nous venons de la faire. Tout le reste viendra en son temps. Actuellement, je suis encore très occupée à d’autres choses et je participe aussi à de nombreux évènements.

Tu viendras à beaucoup de Visana Sprints?

Ça me plaît de voir la relève, qui peut avoir un bel avenir devant elle. Et surtout maintenant que je n’ai pas de compétitions, c’est un passe-temps magnifique.

As-tu l’impression que ta grossesse te change, en tant que sportive?

Elle change le rythme, évidemment. Mais pas mes ambitions. Le fait que de nombreuses autres athlètes ont suivi le même chemin et qu’elles aient réussi, me donne confiance. J’ai par exemple eu des contacts avec Belinda Bencic et Joanna Mäder. Et dans mon entourage privé, nous parlons beaucoup de ce thème. Ma sœur a deux enfants. Cela aide à s’imaginer la vie d’une maman sportive. Pour moi, cela ne fait pas de doute: je vais revenir, au même niveau ou encore mieux. 

PORTRAIT


Mujinga Kambundji (33 ans),
deuxième de quatre sœurs, a grandi à Liebefeld. À l’âge de 15 ans, elle est devenue championne suisse pour la première fois, puis a eu des succès internationaux, aux courses de 60, 100 et 200 mètres. Entre autres, elle a été deux fois championne du monde d’athlétisme en salle et a gagné un total de onze médailles, avec trois disciplines sportives à son actif. Elle vit à Wabern avec son partenaire, qui est aussi son entraîneur.

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